En me réveillant ce matin, j'eu un peu de mal à me souvenir ce qui s'était exactement passé la veille. Le plus loin dont je pouvais me rappeler était que j'avais fermé le magasin un peu plus tôt car je ne me sentais pas exactement au meilleur de ma forme. Toute la journée je m'étais senti faible. Fatigué et plus essoufflé qu'à l'ordinaire. Je me souviens aussi m'être dirigé vers mon appartement et ensuite ...plu rien. J'étais là, à l'hôpital. Branché sur plusieurs machines au boucan infernale pour mon mal de tête. J'étais toujours épuisé mais au moins, je me sentais relativement mieux. Regardant autour de moi, je vis qu'ils m'avaient placés dans une chambre seule, ce que j'apprécia grandement. Lorsque je vins pour me replacer, je vis une tête surgir d'entre ma porte et je fronça des sourcils un peu, surpris. C'était une damoiselle. Celle-ci sourit à son tour et entra en prenant soin de me dire son nom, et ce qu'elle faisait ici. Elle était aide-soignante et allait m'aider à me replacer comme il faut. Avec soin et douceur, elle me mit une oreiller dans le dos et une autre sous les jambes pour que je sois mieux assit lorsque le déjeuner arriverait puis me dit gentiment qu'une infirmière viendrait me rendre visite dans quelques minutes.

Lorsqu'elle reparti, je ferma les yeux en tentant de me rappeler les événements qui m'avaient amenés ici mais en vain, encore une fois. J'étais certain par contre que c'était en rapport avec mon coeur. Ça, il n'y avait aucun doute là dessus. Je pouvais ressentir une certaine pression déplaisante à son niveau qui me disait que c'était ça. J'attendais maintenant depuis plus de cinq minutes et commençait à somnoler à nouveau. Je décida donc d'enlever les oreillers dans mon dos et sous mes jambes puis de me tourner sur le côté droit afin de faire une petite sieste en attendant. Tirant la couverture un peu plus vers moi, je la mis de façon à cacher mon nez car je commençais à avoir très froid. Sans doute dû à l'air climatisé de l'établissement.

J'étais entrain de dormir paisiblement quand j'entendis un bruit qui me fit sortir de mon sommeil. Je rouvris donc les yeux lentement et vit à mon chevet une jolie damoiselle. Elle portait un habit d'infirmière et me regardait comme si elle ne savait pas trop si je respirais ou pas. J'eus un faible sourire avant de cacher mon visage entre mes deux mains et me remettre sur le dos en disant «...Bonjour?» sur un ton légèrement timide. Je devais avoir rougit car je pouvais sentir mes joues brûlantes de timidité. Mordillant ma lèvre, je demanda ensuite «...Comment allez-vous?» j'étais poli, quoi! J'étais peut-être celui qui se trouvait à la place du patient, mais n'empêche ...Je voulais tout de même être courtois avec elle! De plus, elle était carrément jolie ...mais vraiment très ...très jolie.

J’entame ma semaine par un douze heures... Bienvenue dans la vie d’une infirmière ; et vive le dimanche matin ! Je soupire un peu tout en prenant mes dernières notes au colloque du matin ; avec un peu de chance j’aurai un patient avec une situation pas trop difficile... Je ne demande pas beaucoup ! Juste un peu de facilité un dimanche matin. Il n’y a pas beaucoup de patients, alors je n’en aurai qu’un... C’est déjà pas mal. J’hérite d’un certain O’Dwyer dans la répartition des patients. Je jette un coup d’œil au dossier avant de quitter la salle de colloque. 26 ans ; maladie cardiaque congénitale ; malaise en pleine rue... Merde. Il a mon âge. Au pire il meurt ; au mieux il...survit quelques temps jusqu’à ce qu’il aille mieux. Après je ne sais combien d’opérations. Fantastique... Et il a 26 ans. Je sens un poids qui s’abat sur mes épaules. Bonjour complexité...

Je crois que ce qui me trouble le plus c’est qu’il ait mon âge. C’est entre autres pour cela que je n’ai jamais pu travailler en pédiatrie... Des enfants condamnés à mourir, c’est pas mon truc ; ça me touche trop. Bon... Il n’est pas condamné à mourir, je sais bien... Mais cela reste une possibilité. Arg, détend-toi Rose ; on risque tous de mourir un jour ou l’autre... Pourtant j’aurais volontiers échangé avec le patient suicidaire ou la vieille dame démente et ses ulcères... Mais c’est trop tard, je me suis de nouveau perdue dans mes pensées et ils sont tous partis travailler. Je secoue la tête, il faut quand même que je fasse bonne impression. Je suis une bonne professionnelle, alors cela doit se voir à mon attitude et à ma posture. Et puis je n’ai jamais été du genre fataliste, alors stop !

Tout sourire et de nouveau confiante, je toque doucement à la porte et pénètre dans la chambre pour découvrir un corps inerte dans le lit, caché par la couverture. Merde. Je t’en supplie, ne sois pas mort ! Voilà que je me mets à le prier dans ma tête... Mais un mort dès le matin, c’est jamais bon signe. Je m’approche silencieusement du corps, et j’imagine qu’il dort. Ou plutôt : j’espère qu’il dort. Il me semble apercevoir des respirations, ce qui me rassure. D’un autre côté, les machines ne semblent pas être en train de capturer quelque chose d’anormal, et tout est censé aller bien, mais une machine cela peut facilement planter... Je ne fais pas toujours aveuglément confiance en ces choses-là, un peu comme les vieilles qui se méfient de tout. Je dois être une vieille folle dans ma tête... Je tâche juste de faire en sorte que personne ne s’en aperçoive. Mais les machines qui ne s’affolent pas et un semblant de respiration finissent par me convaincre ; finalement ma matinée devrait bien se dérouler : il n’est pas mort. Pendant que je réfléchis, il ouvre enfin les yeux et là je peux respirer calmement. Je l’ai réveillé et j’en suis heureuse. Je suis aussi un peu mal à l’aise, accessoirement. Il a mon âge et... il est mignon. Re-merde. Ça risque de rendre la concentration encore plus difficile. Avant que je ne puisse dire ou faire quoi que ce soit, il me surprend en me saluant le premier... après s’être caché un instant le visage. Aaaaw il est vraiment mignon. Oui... Il est mignon et c’est ton patient, alors focus Rose ! Et il me demande comment je vais... Un grand sourire s’étale sur mes lèvres ; ce n’est pas souvent qu’un patient s’inquiète de mon état sans même me connaître. Il m’a mise définitivement de bonne humeur celui-là. « Je vais bien, merci ! » Je jette un œil à ses constantes qui sont plus que normales – en tout cas pour quelqu’un dans sa situation – et demande, rassurée : « Mais c’est plutôt à moi de vous poser ce genre de question, non ? Comment vous sentez-vous ? » Apparemment, aujourd’hui je fais tout à l’envers. Mon patient me demande comment je vais et je ne me présente même pas... Si ma mère me voyait elle dirait probablement que ce n’est pas comme ça qu’elle m’a éduquée. Et elle n'aurait pas tort. Un peu mal à l’aise, je continue : « Je suis Rose Watson, et je suis l’infirmière qui va s’occuper de vous aujourd’hui. » Aucune idée de la raison pour laquelle je lui ai dit mon nom de famille. Qui de toute façon est noté sur mon badge. Awkward... Il n’existe malheureusement aucun trou dans lequel me cacher, alors je poursuis dans ma lancée « Si jamais il y a quoi que ce soit qui... hmm... qui se passe de façon étrange il faut que vous me le disiez. » De pire en pire. Je prie un instant pour que le petit déjeuner arrive, mais ce n’est pas le cas. Il arrive toujours trop tard, celui-là ! « J’ai vu que vous étiez inconscient quand vous êtes arrivé aux urgences... Est-ce que vous vous souvenez de ce qu’il s’est passé ? » Mmouais... Peut mieux faire, mais ce n'est pas pire qu'avant, ce qui est un bon début.

C'est toujours un peu intimidant se réveiller et voir une inconnue nous observer de la tête aux pieds. Surtout si cette inconnue est jolie comme le ciel et a un regard éblouissant. Ce l'est encore plus lorsqu'on est timide comme moi. Lorsque je me réveilla et que je la vis, j'étais certain d'avoir rougit comme une tomate. De plus, bien sur le la trouvais très belle mais aussi... Je n'étais pas dans une position dite séduisante. Je portais une jaquette d'hôpital et était branché sur une multitudes de machines bruyante ...Pas de quoi charmer quelqu'un, disons! mais n'empêche ...Comme je ne voulais pas partir sur une mauvaise note du à ma grande timidité légendaire, je pris sur moi et sourit à nouveau ...

Elle avait semblé confuse lorsque je lui demanda comment elle allait, et j'eus un faible sourire quand elle me retourna la question. Afin de lui retourner sa réponse, je dis en me hissant un peu plus dans le lit «Je vais bien ...Mieux ...Enfin, je me sens mieux ...» puis rigola légèrement car j'avais eu l'air étrange. Quand elle se présenta cependant, je lui tendis la main pour lui serrer et ajouta «Enchantée mademoiselle Watson ...» tout en lui faisant mon sourire le plus mignon. Mes yeux devaient briller de mille feux en la regardant car intérieurement, je mourrais de lui faire un doux baise-main ...mais je me disais aussi que ça pourrait peut-être faire trop et que cela la rendrait mal à l'aise ou ne lui plairait pas ...Par contre j'ajouta «...et moi je suis Nolan O'Dwyer votre ...patient ...» puis je plissa le nez tout en souriant, comme pour lui montrer que je plaisantais un peu. J'étais peut-être malade ...mais cela ne m'aura jamais  empêché de vouloir rigoler et plaisanter quelque fois!

Je hocha de sa tête à sa requête et lui lâcha doucement la main pour remettre la mienne le long de mon corps. D'une voix faible mais non endolori je dis alors «Promis, je vous ferai signe ...» puis continua à lui sourire jusqu'à sa prochaine question. Là, mon sourire se fendit peu à peu et mes sourcils se froncèrent. Je baissa légèrement la tête en tentant de me rappeler des événements et dit «...Je ...Pas vraiment ...J'ai fermé plus tôt hier car je ne me sentais pas vraiment bien ...J'étais en route vers mon appartement quand je ...» puis je cligna des yeux. Quelques flashbacks m'apparurent et je dis, tout en mettant ma main sur mon coeur «...Il s'est mit à s'emballer et je ...Mon air s'est coupé ...J'ai vue deux personnes arriver en courant et ...» puis je plissa un peu des yeux, recherchant d'autres souvenirs mais en vain. J'ajouta ensuite «...Plus rien ...» je releva alors mon regard vers elle, légèrement plus inquiet que je l'aurais voulu et dit «...C'est tout ce que je me souviens ...» puis je baissa ma tête, encore dans mes souvenirs. J'avais eu peur, ça c'est sur. J'avais eu très mal aussi ...mais ça, je n'avais pas envie qu'elle le sache. J'avais quand même mon orgueil, après tout!

Je releva à nouveau mon regard vers elle en appuyant ma tête contre mes oreillers car je me sentais redevenir faible et dit «mais je vais mieux, là ...Je crois même que je pourrais sortir ce soir, si le docteur accepte ...» puis je lui sourie à pleine dents comme pour lui faire croire que j'allais réellement mieux... mais les donnés et les machines disaient bien le contraire. Ma saturation était trop faible pour le moment, et c'était risqué de me laisser repartir aussi tôt, après un malaise de la sorte. Je devais rester sous surveillance au moins trois jours complet ...

Je fronce les sourcils quand il me serre la main : oui, ce patient n’est pas comme tous les autres... Reste à voir si c’est une bonne chose ou non. Oui, parce que là j’hésite sérieusement entre le craquage complet et la méfiance... Mais il est tout à fait charmant. Et il a un regard fascinant, ce qui a plutôt tendance à me mettre terriblement mal à l’aise. J’aime pas me sentir mal à l’aise. «...et moi je suis Nolan O'Dwyer votre ...patient ...» Je ne peux m’empêcher de rire un peu à sa blague douteuse. Oui, je me doute que tu es mon patient, Cuteboy... Je connais peu de gens qui se mettent dans un lit d’hôpital pour le fun. Il a un sourire carrément craquant, jusqu’à ce que je cherche à savoir de quoi il se souvient. Il faut vraiment que je me remette les idées en place : c’est mon patient ! Donc STOP avec le regard de jeune fille innocente qui sourit ; c’est clairement inapproprié. Je m’oblige à redevenir sérieuse et à écouter attentivement ce qu’il me dit, afin de paraître vaguement plus professionnelle. Je remarque la difficulté qu’il a de la difficulté à se remémorer de la veille, mais il a suffisamment de détails pour que ce ne soit pas inquiétant. S’il a oublié le reste, c’est simplement qu’il était inconscient. Je vois clairement à son regard qu’il s’inquiète, même s’il ne veut pas le montrer. Même si c’est difficile, je lutte contre mon instinct qui serait de lui prendre le bras ou la main pour le rassurer, parce qu’étrangement je ne me sens pas de le faire ; pas avec lui. Mais je lui souris sincèrement, tout en me voulant rassurante : « Ne vous en faites pas, c’est déjà beaucoup que vous vous souveniez d’autant de détails ! »

J’observe discrètement les moniteurs, à l’affût de la moindre complication. Une saturation un peu basse ; un rythme cardiaque plus rapide que la norme pour compenser... C’est encore acceptable, mais je vais m’arranger pour changer l’ordre médical qui n’exige aucun apport supplémentaire en oxygène : ce n’est plus adapté. Et au moindre souci je suis prête à agir. Tandis que je note tout ce qui dévie un peu de la norme, je l’entends continuer : «mais je vais mieux, là ...Je crois même que je pourrais sortir ce soir, si le docteur accepte ...» Je fronce les sourcils... Les hommes et leur envie de jouer au plus fort, cela m’étonnera toujours. C’est une manie que je suis incapable de comprendre. Est-ce si terrible d’admettre que cela ne va pas ? Sans doute... Je cherche un peu mes mots, histoire de rester adéquate mais inflexible. « ... Heem... Je ne pense pas que ce soit une très bonne idée de rentrer chez vous ce soir, M. O’Dwyer... C’est que... Habituellement les médecins préfèrent pouvoir garder le patient en observation plus longtemps. » Bon, je suis vaguement convaincante là... Je me mordille la lèvre, cherchant mes mots. Mais comme toujours, l’honnêteté reste la meilleure des méthodes. Enfin... je crois ? « Pour tout vous dire le mieux après un malaise comme le vôtre est de vous reposer... ici. Et une nuit ne suffit pas. Navrée... » Je souris un peu, d’un air désolé. « Vous n’aviez pas prévu de faire le tour du monde cette semaine j’espère ? » Tentative d’humour ratée : check. Je crois que je devrais juste me taire une bonne fois pour toutes.

Je trouvais que j'avais de la chance d'avoir une si gentille infirmière pour mon cas. Il m'était difficile de comprendre, mais je ressentais que je pouvais rester moi-même avec elle, en quelque sorte. Elle n'était pas comme les autres. Souvent, celles que j'avais eu étaient du genre pressante. Comme si elles me voyaient comme un vulgaire numéro. Cela m'embêtait toujours mais ce n'était pas le cas avec Rose. Même son regard était différent, lorsqu'elle me regardait. Elle me donnait envie de sourire et de lui demander si elle voulait rester un peu plus longtemps ...Que pour discuter. J'étais bien seul, et sa présence me plaisait déjà grandement! De plus, j'étais persuadé au fond de moi-même que nous avions plusieurs points en communs, ensemble ...et qu'elle gagnait à être connue.

Je lui sourie lorsqu'elle m'encourageant sur ma mémoire et dit «Merci ...» tout en hochant de la tête. Je me sentais mieux d'avoir récapituler les événements avec elle. Au moins, j'avais encore la capacité de me souvenir. C'était un bon signe. Cependant, lorsqu'elle fut à l'encontre de mon désir de quitter, je ne pus m'empêcher de faire une moue triste en disant «J'aurais aimé dormir chez moi ce soir ...et regarder NCIS Los angeles ...» puis eu un faible sourire quand elle tenta de blaguer. Je releva alors mon regard vers elle et dit «...Nah, mais j'avais prévu faire le 100 Km au marathon de la ville, demain ...» puis lui fit un petit clin d'oeil en riant faiblement. Je n'avais jamais vraiment pu courir de ma vie ...mais je ne m'en plaignais pas du tout! Pour lui faire comprendre, j'ajouta en riant «C'est une blague, uh? Qui aime courir ...Je suis certain que je détesterais ce sport! Pas vous?» puis je lui fis un beau sourire par la suite pour lui démontrer que je blaguais réellement.

Cependant, quelque chose vint m'enlever rapidement le sourire. Mon coeur s'était remit à battre trop rapidement et anormalement. J'avais maintenant le souffle court et sans me rendre compte de mon geste, prit vivement la main de Rose en la serrant fort, de terreur. J'avais peur et cela pouvait se transcrire dans mon regard qui fixait un point stable, sur ma couverture. D'une voix faible et tremblante je dis alors «R...Ro...Rose ...» avant de fermer les yeux fort. J'aurais du l'appeler par son nom de famille mais je n'y avais pas pensé. La pièce s'était mise à tourner autour de moi ...Ou moi autour d'elle. Je ne savais plu. J'avais aussi l'envie intense de vomir, mais me retint ...Je ne voulais quand même pas lui vomir dessus! J'aurais été anti-séduisant. Puis une douleur commença à s'installer dans ma poitrine et je dis entre mes dents «...J'ai ...un peu mal ...Un ...Un peu ...» avant de mettre ma main libre sur mon coeur. Je ne savais que faire ...et commençait à paniquer visiblement. La peur de mourir pouvait se transcrire dans mes yeux comme dans un livre ouvert.

Son regard de chien battu concernant la soirée qu’il aura à passer en observation me donne envie de sourire ; ce qu’il dit aussi. Mais ce n’est clairement pas le moment de partir sur le fait que je préfère NCIS à NCIS Los Angeles... Non, clairement il faut mettre des priorités et en ce moment elles ne sont pas de comparer mes goûts aux siens. Je commence pourtant à rire quand il m’avoue que ses plans étaient de courir le marathon le lendemain. Mais bien sûûûûûûr ! J’ai toujours eu le rire facile ; je suis donc la cible idéale et ce patient me semble être un clown parfait. Je ris encore un peu, ajoutant : « Je viens de San Francisco... J’avoue que je ne me suis jamais amusée à courir sur les collines là-bas. Et je ne comprends pas qu’on puisse y prendre plaisir... » Je lui souris, tout en me disant que je ne devrais pas. C’est assez étrange d’avoir cette sensation... comme si c’était interdit. Ça l’est, je crois. Mais c’est la première fois que j’y pense. Peut-être parce que je souris différemment aujourd’hui, je ne sais pas.

Il me surprend en prenant tout à coup ma main et en la serrant comme si sa vie en dépendait. Une fraction de seconde plus tard la machine commence à s’affoler et à m’indiquer une tachycardie et des arythmies qui m’inquiètent. Pire : il se met à paniquer, je le sens bien. Il a beau dire ou vouloir le cacher, cela se voit à mille kilomètres. «R...Ro...Rose ...» J’ouvre de grands yeux et me fige, comme si d’un coup je ne savais plus quoi faire ; malgré mes études ; malgré ma profession. Je ne sais plus comment réagir : pourquoi m’appelle-t-il par mon prénom ? On ne se connaît pas et je ne suis pas une amie ; je suis infirmière ! «...J'ai ...un peu mal ...Un ...Un peu ...» Je me secoue : pas le moment de buguer. D’abord le calmer ; ensuite calmer son cœur. Et pour cela, il faut que moi-même je sois zen. C’est fou comme le stress et la panique sont contagieux ! Je le regarde et, sans enlever ma main de la sienne, je lui dis le plus calmement possible : « Tout ira bien. Vous m’entendez Nolan ? Ça va passer, je vous le promet. » Don’t make promises you can’t keep, Rose. Je grimace et pose ma main libre sur son front ; il est moite. J’ai envie de me dépêcher de tout préparer afin de diminuer la crise, mais d’un autre côté si je le laisse seul dans sa chambre son anxiété va augmenter et cela n’ira pas mieux... Choix difficile, mais finalement la situation cardiaque l’emporte sur le reste, en tout cas si j’en crois les moniteurs. J’ai vu tout à l’heure dans son dossier qu’il a de la digoxine en réserve, et par chance nous en laissons toujours dans la chambre, sous clé. Je murmure dans ma barbe « Je vous interdis de me lâcher. » Je deviens carrément inflexible : il ne mourra pas aujourd’hui ; pas avec moi en tout cas. Trop de chenil administratif et puis... Il est sympa. Je lâche sa main et je lui explique ce que je fais tout en le faisant le plus efficacement possible « Je vais vous mettre sous oxygène, d’accord ? C’est un peu gênant au niveau du nez, mais ce n’est pas plus désagréable que cela. Et vous allez me faire le plaisir de sucer ça ; c’est votre digoxine. » Je dois avoir l’air d’un bonhomme qui s’agite en version accélérée ; je n’ai jamais été aussi rapide : débit d’oxygène correct ; administration de digoxine... Il doit connaître par cœur ses effets, mais si ce n’est pas le cas je le lui expliquerai une fois que son cœur se sera régularisé. Et tant pis pour le consentement éclairé. J’appelle rapidement le médecin pour l’avertir, mais apparemment sa pause café est trop sacrée pour qu’il vienne... Celui-ci, je n’ai jamais aimé qu’il soit de garde ; il ne s’inquiète jamais pour rien jusqu’à ce que cela devienne gravissime.

Je note les constantes de mon patient dans son dossier, suivant le protocole à la lettre, puis m’assois à ses côtés. Je devrai de toute façon reprendre ses constantes régulièrement, alors autant rester... « ... comment vous sentez-vous ?»

J'avais toujours adoré faire rire les gens. Disons que malgré ma grande timidité légendaire, quand je commençais à me sentir bien avec un personne, il était facile pour moi de me laisser aller à la connerie. Avec Rose, c'était un peu ce qu'il se passait. Cela ne faisait que quelques minutes que nous, nous connaissions et déjà je me sentais à l'aise. C'était rare. Exceptionnel, même. Je ne m'en plaignais pas, bien sur ...mais c'était surprenant. Oui, j'en avais été agréablement surprit. Habituellement, j'avais besoin de quelques heures supplémentaires pour être assez à l'aise avec une personne et m'ouvrir comme je l'avais fait. J'étais persuadé que c'était cette femme. Elle avait quelque chose que les autres n'avaient pas. Un je ne sais quoi de magique, peut-être ... C'était agréablement rafraîchissant.

Cependant, je me senti rapidement très mal et en perdit même mes manières en l'appelant par son prénom. J'avais peur et je tremblais. Mon front était moite et mon souffle, très court. J'eus les larmes aux yeux lorsque celle-ci me promis que tout irait bien. La dernière personne qui m'avait promis cela avait menti puisque les événements avaient empirer en moins de deux. Seulement, j'avais décidé de lui faire confiance car elle semblait réellement convaincu et hocha oui en guise de réponse. Alors qu'elle me lâchait pour préparer quelque chose, je me mis à serrer très forts les draps entre mes doigts tout en fermant les yeux. Intérieurement, je priais pour que cela n'empire pas. Je ne voulais pas mourir maintenant! Je savais depuis le début que j'étais promis à mourir jeune ...mais j'espérais vivement que mon heure ne soit pas déjà arrivé. Il me restait tellement de choses à vivre, j'en étais persuadé!

Lorsqu'elle revint en me disant qu'elle allait me mettre sous oxygène et me donner de la digoxine à sucer, je rouvris les yeux en hochant faiblement de la tête. Une fois l'oxygène mise, je me mis donc à sucer le médicament et peu de temps après, cessa car l'envie de vomir commençait à se présenter. Cependant, au niveau cardiaque je me sentais mieux ...c'était déjà ça! mais du coup, le mélange du goût et des effets de la digoxine sur mon système me fit me pencher vers l'avant et ce qui devait arriver arriva. Je vomis au sol version zéro glamour. Une fois mon liquide gastrique presque complètement déversé à côté des chaussures de mon infirmière, je me recoucha dans mon lit, la tête sur mon oreiller. Mes yeux se refermèrent et je me remis peu à peu à respirer normalement. Par contre, je tremblais encore. Sans doute du au stress et l'adrénaline qui m'avaient envahi le corps pendant ces quelques minutes déplaisantes. Ma main vint chercher à nouveau celle de Rose et d'une voix très faible, dis «...Je suis désolé... Vraiment désolé ...» avant de rouvrir lentement mes yeux et dire «...Je me sens mieux ...merci ...» puis resserra à nouveau sa main dans la mienne comme pour lui signifier que je lui étais réellement reconnaissant.

Je me releva ensuite tranquillement avant de dire «Je dois ramasser ça... C'est ...c'est carrément dégoûtant ...» mais je m'étais apparemment relevé trop tôt car immédiatement, mes étourdissement réapparurent et par réflexe, je me laissa aller dans ses bras en la serrant contre moi, comme si elle était devenue l'espace d'une seconde ma bouée de sauvetage. Mon visage dans son cou, j'avais fermé les yeux et relaxait ainsi ...Profitant aussi un peu du moment ...Après tout, elle était jolie ...C'était une gentille fille et bah ...elle sentait carrément bon!  D'ailleurs, je ne pu m'empêcher de lui faire remarquer en disant d'une voix presque inaudible «...J'aime bien votre parfum ...» avant de retrouver peu à peu un mince sourire, le visage toujours caché dans son cou.

Je me fige en le voyant me vomir – presque – dessus. Bien sûr. Trop occupée à faire tout et n’importe quoi je n’ai pas pensé une seule seconde à lui donner un haricot histoire d’éviter ce genre de contretemps... Franchement, bravo. J’évite pourtant de froncer le nez face à la vue qui s’étale si près de mes pieds ; je vaux mieux que cela. Il suffira de passer un coup de pâte dessus et ce sera oublié. Je remarque qu’il tremble, mais au moins son cœur semble se calmer, ce qui me rassure. Alors que je fais mine de m’éloigner pour aller chercher de quoi nettoyer l’incident, il me surprend en me prenant la main pour s’excuser, puis ensuite en me remerciant. Merci de quoi ? Je n’ai rien fait de spécial ; simplement mon travail... Pas de quoi s’affoler. Je reste néanmoins silencieuse et ne retire pas tout de suite ma main : j’ai l’impression qu’il a besoin de ce contact, même s’il reste étrange à mes yeux. Oui, étrange, je crois que c’est bien le mot... Ce genre de contact, pour moi, ce n’est pas habituel ; pas avec un patient et encore moins avec quelqu’un du sexe opposé, qui plus est de mon âge.

Avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, je le vois qui se lève. Non mais il est complètement cinglé ou quoi ? «Je dois ramasser ça... C'est ...c'est carrément dégoûtant ...» Aussi tôt dit aussitôt fait, voilà qu’il me fait une hypotension orthostatique en live. S’il n’était pas mon patient je le tuerais je crois. A-t-on idée de faire du ménage après une décompensation ?? Je le retiens comme je peux, avec pour but celui de le rasseoir sur son lit d’hôpital. Mais si j’en crois ce que mon cerveau me retransmet – et je le crois ! – voilà qu’il se tient à moi... Mais d’un peu trop près. Tous mes sens sont en alerte et je sens mon cœur se mettre à battre un peu trop vite, un peu trop fort... Normal : c’est absolument et totalement inapproprié ! Et pas si désagréable ; ce qui rend le tout encore pire. Gosh, faites qu’il me lâche !

Ce n’est pas le cas. Je sens mes joues devenir cramoisies, mais par souci de dignité je vais mettre ça sur le compte de la réponse au stress. Oui oui : l’adrénaline, tout ça... Mes cours de biologie humaine seront au moins utiles à me fournir de très bonnes – et fausses – excuses. Je sens son visage contre mon cou et prie pour que personne n’entre dans cette fichue chambre maintenant, ou alors je suis carrément morte. Ou pire : virée ! «...J'aime bien votre parfum ...» J’ouvre de grands yeux. « Oh hem... merci ? » Wowowowowow ! WHAT ??! Nononononon, ce n’est pas en train de m’arriver ! Je refuse de tomber dans le panneau. Même si effectivement il est mignon, c’est un patient. Et un patient, ça se soigne. Je secoue la tête et le force à se rasseoir dans son lit. Je tiens à garder ma place au Mount Sinai, et ce n’est pas lui qui va tout faire foirer. « Je hum... Ce n’est pas... Vous... Vous devez rester allongé. Oui, oui c’est ça. Pas d’effort. Juste... restez couché d’accord ? Le plus loin possible de moi surtout... Je me dépêche de mettre des gants et de nettoyer la flaque qui trône au sol à l’aide d’une pâte, le reste se fera au nettoyage de la chambre. Ensuite, je note les diverses constantes de mon patient, tout en évitant soigneusement tout contact visuel. Est-ce gamin ? Sans doute. En attendant cela m’empêchera de faire des bêtises, ce qui n’est pas plus mal. Et puis demain... Je crois que je vais vraiment échanger avec la petite vieille et ses ulcères, c’est plus sûr. Elle ne risque pas de vouloir profiter de moi, elle. Bon... Peut-être que je suis un peu sévère là. Il n’a pas vraiment essayé de profiter de moi... Il m’a juste fait un compliment. Un compliment qui n’aurait jamais dû sortir de sa bouche parce que c’est mon patient, c’est tout.

« C’est... Oublions ça. Essayez juste de vous reposer, d’accord ? » Je me suis un peu radoucie. Après mûre réflexion, si je demande à changer de patient on va forcément me poser des questions auxquelles je n’ai pas envie de répondre... Alors je prends mon mal en patience et puis... Il sera bientôt de retour chez lui et je ne risque plus de le recroiser. Récupérant son dossier, je le regarde une dernière fois avant de dire « Je repasserai vous voir un peu plus tard. » Oui, c’est mieux ainsi. Même s’il est sacrément mignon sous son drap d’hôpital...