★★★
there's a feeling that I can't describe, there's a reason that I cannot hide
'cause I've never seen a light that's so bright, the light that shines behind your eyes

Je déposai mon énième verre de vin sur la petite table du bistro. Il était vide. J’avais un sourire aux lèvres, peut-être à cause de l’alcool, peut-être grâce à elle. Elle, c’était Pippa. La femme la plus extraordinaire du monde. Et elle était ma meilleure amie. Je relevai les yeux vers elle, ne lâchant pas la courbure sur mes lèvres. Je soupirai en regardant nos assiettes vides et la bouteille de vin asséchée de toutes ses gouttes. J’ouvris le petit carnet noir contenant la facture que le serveur venait de nous apporter. « Pfff, tu me coûtes cher, Pippa. » Je lui fis un clin d’œil furtif en rigolant légèrement. Nous étions des adultes avec de bons emplois, nous n’avions pas  besoin de nous priver d’un repas de temps à autre. Et puis en sa compagnie, plus rien n’avait réellement d’importance. Je viderais mon compte en banque si c’était pour passer la plus belle soirée avec elle. « On y va ? » Je déposai le montant avec pourboire sur la table, bien glissé dans le carnet noir, tout en me levant. C’était la première fois que je me levais de tout le repas, et je sentis tout de suite que l’alcool m’avait légèrement monté à la tête alors que mon équilibre me faisait défaut. Pippa ne remarqua rien. J’attrapai mon veston noir sport et le mis sur mes épaules. Les soirées devenaient de plus en plus fraîches, en cette fin d’été. Heureusement que Pippa était là pour garder mon cœur bien au chaud. Lorsque nous fûmes à l’extérieur du bistro, je passai mon bras autour de ses épaules et la rapprochai de moi. « Tu sais que j’t’aime, toi ? » Lançais-je comme je le faisais si souvent avec elle. Si seulement elle savait à quel point cet amour était fort. Plus fort qu’une simple amitié. Je déposai un baiser sur le dessus de sa tête, respirant l’odeur de ses cheveux fraîchement lavés. Je levai la tête vers le haut, regardant le ciel. « C’est rare qu’on voit des étoiles par ici, avec toutes les lumières de la ville. Et si on passait par Central Park pour profiter de cette belle soirée ? » J’avais toujours préféré les grands espaces verts aux rues bondées de voitures. Et puis Central Park était beaucoup plus calme à cette heure, dénué de ses touristes. Je relâchai mon emprise sur Pippa en traversant la rue pour rejoindre une des entrées du parc. Je me tournai vers elle qui n’était pas encore rendue au milieu de la rue. Je souris, à la fois heureux et triste. Heureux d’être là, avec elle. Triste qu’elle ne sache pas à quel point elle était essentielle à mon bonheur.

« Je ne me lasserai quand même jamais de t’entendre me le dire ». Déclarais-je quand ma meilleure amie m’assura qu’elle m’aimait bien plus que moi je ne l’aimais. C’était faux, mais je savais que m’embarquer dans son petit jeu rimait à passer une nuit blanche à nous obstiner à propos de qui aimait le plus l’autre. Je me contentai alors de sourire par la suite. Nous nous dirigions maintenant vers Central Park. Avec Pippa, pas besoin d’acquiescer à la proposition de l’autre. Nous avions les mêmes petits plaisirs, les mêmes envies. Je savais donc que la demoiselle était toute aussi ravie que moi d’aller marcher dans cette nature en plein milieu de New York afin de profiter de cette belle et douce soirée. Mes joues étaient encore un peu roses à cause du vin et le petit vent ne me donnait même pas un seul frisson. J’étais bien. Je relâchai finalement mon bras du dos de la belle, car pour marcher, ce n’était pas ce qui était le plus confortable. À la place, ma main vint se loger dans la sienne, là où elle aimait le plus être. Beaucoup d’envieux nous regardaient, du coin de l’œil, jaloux de ce couple dont nous avions l’air. J’aurais tant aimé pouvoir réellement déguster leur jalousie. Malheureusement, ils ignoraient que je nageais dans l’impuissance face à cette amitié beaucoup trop forte, beaucoup trop solide. J’aperçus au loin le rocher qui bordait le petit lac artificiel au milieu du parc. Aucun arbre n’était au-dessus, ce qui permettait de voir le ciel. Je marchai jusqu’à celui-ci, et aidai Pippa à monter avec moi jusqu’au sommet. Là, je me couchai sur le dos et appuyai ma tête sur mon avant-bras, mon autre main ne quittant pas celle de la jolie brunette. Nous étions deux professeurs de yoga, alors nous savions comment apprécier ces moments de détente, de calme, de paix. « C’est peut-être l’alcool qui parle mais, parfois, j’me dis que je trouverai jamais une femme aussi bien que toi à épouser. Genre, je vais rencontrer une fille, et je vais toujours la comparer à toi, et me dire que si je l’épouse, je vais préférer ma meilleure amie à elle et … c’est pas cool. » Avouais-je à Pippa. Oui, c’était effectivement l’alcool qui parlait. C’était la première fois que j’étais aussi ouvert à propos de mes sentiments en compagnie de ma meilleure amie. Jamais auparavant je n’avais voulu qu’elle se doute de l’amour que j’éprouvais à son égard. Avec cette confession, elle pouvait bien s’imaginer ce qu’elle voulait, à présent.